Intervention de Miguel-Ange GARZO (psychologue clinicien) pour le Café de l’Ecole des Parents, le 16 juin 2010 à Houilles
L’adolescence est une période de bouleversements psychiques et physiologiques intenses. Cette période est synonyme de construction pour le jeune, construction qui se fait en repoussant les limites, afin de pouvoir devenir indépendant.
Le jeune a besoin de « jouer » avec ses limites et bien entendu avec celles des autres. Ce jeu avec les limites est un passage obligatoire pour qu’il puisse se construire. Cette recherche des limites peut passer par une certaine opposition au noyau familial, mais aussi par des prises de risque. Prises de risque tant pour ce qui a trait aux limites de son corps, qu’en ce qui concerne les limites sociales et morales. D’où la fréquence des transgressions, des conduites de provocation : nombre de jeunes découchent, boivent de l’alcool de manière importante, fument du haschisch ou commettent des délits, dans le seul but inconscient de se démarquer de leurs parents.
Marquer son opposition s’inscrit pour le jeune, dans le désir de rompre avec la dépendance qui le lie à ses parents. Mais dans bien des cas, cette dépendance parentale est remplacée par la dépendance à un autre « objet ». Cet autre « objet » peut être un groupe de pairs, qui permettra au jeune de s’identifier à l’autre, mais il peut être un aussi un « produit ». La dépendance est définie par l’OMS à partir de 6 symptômes :
1) le désir compulsif d’emploi de drogue
2) les difficultés à contrôler son utilisation
3) le syndrome de sevrage quand le sujet arrête ou tente de diminuer sa consommation
4) la tolérance (augmentation des doses pour obtenir de l’effet)
5) l’abandon des autres sources de plaisir ou d’intérêts
6) la poursuite de la consommation malgré la survenue de conséquences nocives
La notion de dépendance est à mettre en relation avec la notion d’addiction, qui est définie comme étant la répétition d’actes susceptibles de produire du plaisir, mais marquée par la dépendance à un objet ou à une situation recherchée et consommée avec avidité. La notion de conduite addictive regroupe un grand nombre de conduites :
- la toxicomanie
- l’alcoolisme
- le tabagisme
- la dépendance à l’autre
- les troubles des conduites alimentaires (anorexie et boulimie)
- les achats compulsifs
- les comportements à risque
- l’addiction au travail
- l’addiction aux efforts physiques
- la sexualité compulsive
- le jeu pathologique (…)
Ce nouvel « objet » aura pour le jeune, une valeur de « béquille » qui lui permettra d’avancer dans sa construction de personne adulte. Le besoin de cette « béquille » chez l’adolescent peut donc s’expliquer par les différents bouleversements qu’il va connaitre, comme :
Les modifications corporelles : avec la puberté, apparaissent des transformations physiologiques importantes et rapides (parfois trop rapides), transformations qui vont éveiller le besoin d’expression de la sexualité, ce qui va dans de nombreux cas, mettre en danger l’équilibre psychique du jeune. Tout cela va produire une véritable révolution interne qui va entraîner des transformations sur le plan psychologique. Cependant, ce remaniement psychologique ne va pas souvent au même rythme que les transformations physiques, ce qui peut produire un véritable déséquilibre psychique. L’usage de drogue va, dans ce cas là, alimenter le fantasme de contrôle de tous ces bouleversements et d’une certaine façon anesthésier les conflits qui se jouent.
L’adolescence comme période de deuils : les changements qui affectent cette étape du développement sous entendent de nouveaux apprentissages, mais aussi en parallèle de nombreuses pertes ; pertes qui pourront être dépassées par un certain travail de deuil. Trois deuils importants doivent se réaliser au cours de l’adolescence :
1) le deuil du corps d’enfant
2) le deuil de la position d’enfant, perte de son rôle et de son identité d’enfant
3) le deuil des parents face à l’enfant qui devient adulte
La douleur psychique qui accompagne ses travails de deuil contribue à la configuration du caractère du jeune. Ils expliquent en partie aussi les différents changements d’humeur que peut connaître le jeune à l’égard de son cercle familiale et social.
Ces travails de deuil expliquent pourquoi tout adolescent présente, un jour ou l’autre, des préoccupations morbides qui répondent à ses interrogations existentielles. Penser à la mort est structurant en ce temps, où se fait le deuil de l’enfance.
Pour certains adolescents, le « produit » permettra de se confronter aux limites, mais aussi d’anesthésier la pensée, souvent douloureuse à cet âge. Le produit viendra donc panser la pensée.
Il est important pour les parents d’être à l’écoute du jeune, durant cette période de modifications importantes. Il faut pouvoir être suffisamment proche de l’adolescent, tout en lui laissant son espace nécessaire de construction personnelle. En effet, même si dans la majeure partie des situations, les prises de risque et les consommations de produits sont passagères, il faut être vigilant, afin que le jeune ne s’inscrive pas dans une consommation de produits beaucoup plus importante et plus chronique.
Dans certains cas, quand la parole au sein de la cellule familiale ne peut plus jouer son rôle de lien, il est donc conseillé de pouvoir faire appel à un tiers (autre membre de la famille, professionnel ou institution spécialisée). Le tiers permettra donc de mettre une distance entre les différents membres de la famille et la situation de crise et d’angoisse liée à la consommation de produits.